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Nos couples, le plus souvent, ressemblent à des couteaux suisses – mélanges à double-tranchant de partenariats culturels, économiques, domestiques, affectifs et sexuels. Ça fait beaucoup, bien sûr. D'autant qu'on nous demande des capacités olympiques... Nous sommes censés réussir sur tous les tableaux, tout le temps : ce qui demande d'avoir huit bras, et la dernière fois que j'ai vérifié, j'en avais seulement deux. Les infidèles sont-ils des cancres pour autant ? Je ne crois pas.
Quand on parle d'infidélité, il manque souvent la précision essentielle : infidélité sexuelle. Car des infidélités, il y en a de toutes sortes : financière, émotionnelle, narcissique, focalisée sur un objet (oui, c'est de votre Playstation que je parle), etc. Mais ça arrange tout le monde de rester dans le flou – pour entretenir la confusion. Et pire, pour évoquer une possible contamination du sexe aux autres domaines.
Quand on parle d'infidélité sans préciser de quel type, on implique que coucher ailleurs entraîne des trahisons à tous les niveaux du couple. Ce qui reste à démontrer. Ce serait évidemment pratique d'écrire l'histoire en noir et blanc, mais nous vivons en pleine époque de nuances de gris... et on sait que la plupart des personnes qui trompent leur conjoint sont satisfaites dans leur couple. Affectivement, ça roule. Le quotidien, ça roule (peut-être un peu trop bien).
Dans ces conditions, confondre fidélité sexuelle et loyauté relève de la malhonnêteté intellectuelle. La loyauté, selon Wikipédia, c'est le dévouement envers une cause ou une personne. Or on peut être infidèle et se montrer indéboulonnable quand il s'agit d'offrir une écoute attentive, de partager les taches ménagères, de gérer le budget. De même qu'il existe des personnes possessives à l'extrême, qui se montrent déloyales au quotidien : prêtes à favoriser la carrière au détriment du couple, prêtes à partir festoyer quand il faudrait donner un coup de main.
Personnellement, je ne crois pas qu'on puisse être parfait tout le temps (c'est parce que j'ai seulement deux bras). Bien sûr, les infidèles ne sont pas meilleurs que les autres. En revanche, les amateurs d'aventures ont su se ménager un temps libre où reprendre des forces, un espace secret qui n'impacte pas leur partenaire régulier. A ce titre, la seule victime d'une infidélité réussie, c'est l'idée de fidélité. (Les idées, par chance, se plaignent assez peu qu'on les maltraite.)
Coucher ailleurs ne revient pas forcément à déplacer son dévouement sur une autre personne, parce que le sexe n'entraîne pas forcément tout le reste. Je sais bien que cette activité qui potentiellement laisse des taches, mais il ne faut pas exagérer, et souvent un bon programme machine à 40° suffira.
De manière ironique, les défenseurs d'une sexualité strictement cadrée sont les mêmes qui trouvent qu'on parle trop de sexe, alors qu'ils sont responsables d'en faire l'étalon absolu de la relation de couple. A quoi on voudrait répondre : hé, du calme, il n'y a pas que le sexe dans la vie ! Il y a l'intimité simple de dormir ensemble, de raconter une histoire aux enfants et de partager un verre de vin.
Je n'ai pas l'impression de donner dans l'immoralité en affirmant qu'il est plus grave d'avoir des dettes secrètes, d'abandonner le navire en temps de secousses, de zapper le partenaire au profit de ses promotions (ou du dernier épisode de Game of Thrones)... autant d'actions qui ont des conséquences plus durables qu'une liaison.
Etre infidèle et loyal, c'est possible et ça réaffirme que le couple dépasse de loin la sexualité pure, quoi qu'en disent les partisans d'une fidélité en pack-complet-tout-compris-intérieur-cuir. Finalement, qui sont les obsédés du sexe ? Ceux qui compartimentent ? Franchement, je ne crois pas.
